Avant-après – Le Gaumont Palace – salle mythique de cinéma devenue le Casto de place Clichy

Lorsque l’on remonte depuis la place Clichy en direction du pont aux croisées métalliques qui surplombe le cimetière Montmartre, on passe immanquablement devant le Castorama du quartier. Édifice quelconque, qui ne brille pas par son audace, il présente un exemple de ce qui s’est beaucoup fait dans les années 70 : un bâtiment plutôt laid, qui ne laisse aucun souvenir. La preuve par l’image ci-dessous.

aujourd'hui

Pourtant c’est à cet endroit même, que l’on trouvait une gigantesque salle de spectacle, puis de cinéma : le Gaumont Palace. Si l’on remonte dans le temps et plus précisément à l’orée du XXe siècle c’est la salle de spectacle que l’on trouve en premier lieu. L’Hippo-Palace, car tel était son nom, venait tout juste d’être édifié et il méritait son nom de palace par sa taille et son ambition. Édifiée sur une zone de jardins, inaugurée à l’occasion de l’exposition universelle de 1900, cette salle pouvait contenir jusqu’à 8 000 spectateurs et son arène mesurait 57 mètres sur 35. Elle se  transformait sur commande en cirque, en piscine, ou en salle de cinéma (ceci dès 1906 alors que le 7e art était tout jeune). On jugera du mastodonte en jetant un œil sur la photo ci-dessous qui dit beaucoup de la taille et de la magnificence du lieu. Les anecdotes illustrant la vie de cette salle sont nombreuses ; on évoquera ici le spectacle de Buffalo Bill qui s’y tint, les fauves dressés qui s’y produisirent, la venue de lutteurs russes célèbre et jusqu’à un maître japonais du jujitsu qui fit le déplacement depuis le pays du soleil levant.

hippo palace

Mais les spectacles avaient fait leur temps et en 1910 ce qui attirait les foules c’était le cinématographe. Léon Gaumont, pionnier du cinéma français, acheta l’endroit, le transforma en une salle de 3400 places (portée à 6000 en 1930). Le cinéma y était roi mais l’on pouvait également assister à des spectacles de chorales, y écouter des orchestres symphoniques ainsi que diverses autres attractions. En 1930 une nouvelle façade fut dessinée et édifiée par l’architecte Henri Belloc dans le style Art Déco, le Gaumont Palace vivait avec son temps ; la coupole disparaissait et à sa place des volumes géométriques aux balcons filants vinrent rythmer la place pour des années.

gaumont palace

Monument du cinéma parisien, l’immense salle continua à diffuser des films jusqu’à sa destruction en 1973. À la pointe technologique, il avait longtemps accompagné les nombreuses innovations que connut le cinéma durant le XXe siècle. Aujourd’hui il ne reste plus rien de l’endroit et l’on se plait à rêver qu’un tel bâtiment ait été conservé… si tel avait été le cas, voici ce que l’on verrait aujourd’hui :

si rien n'avait changé

Plus rien du Gaumont-Palace ?… ce n’est pas si sûr, car pour ceux qui auraient la chance de se rendre dans le pavillon Baltard de Nogent-sur-Marne on pourra y voir l’orgue fameux qui faisait résonner l’immense cinéma. Orgue anglais construit en 1930 pour accompagner les films muets, il demeura, à l’avènement du parlant, une attraction des entractes car il restituait des bruits aussi divers que ceux des trains, des avions ou même les pépiements d’oiseaux.

 

Les détails de cet article proviennent de :

  • Article Gaumont Palace, in Dictionnaire des lieux à Montmartre, Editions A. Roussard, 2001.
  • Le guide du promeneur 18e, Danielle Chadych, Dominique Leborgne, Parigramme, 1996 réédition 2001.
  • Photos actuelles de l’auteur. 

La petite ceinture ça sert plus à rien… mais hier?

En tout cas c’est joli –

Je me suis parfois promené sur la petite ceinture. Cette ligne de chemin de fer circulaire, qui parcourt Paris ; souvent à l’air libre, parfois sous terre (sous le parc des Buttes Chaumont ou Montsouris par exemple) gagne à être parcourue. Vous passerez dans des tunnels, pourrez admirer le cours de Vincennes en direction de la place de la Nation, aborder des stations fantômes totalement graffées et bien des choses encore.

Aujourd’hui on peut s’y promener facilement et s’y hisser ou y sauter n’est pas véritablement compliqué, on y fait des pique-niques, on y boit de la bière certains y font la fête.

Tout cela est bien joli, mais pourquoi est-ce qu’il n’y a plus de trains sur les rails et surtout à quoi elle pouvait bien servir vu qu’il y a déjà le métro, le RER, des lignes de bus, des voitures…

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La remise en perspective qui s’impose !

A dire vrai la petite ceinture a eu toute son utilité, elle a même transporté jusqu’à 39 millions de passagers au cours de l’année 1900. Ce chiffre considérable dit tout l’intérêt que représentait alors cet axe circulaire.

L’origine de la petite ceinture est à trouver dans le chemin de fer à l’époque du Second Empire (pour ceux qui ne se souviennent pas le Second Empire c’est quand Napoléon III était le chef de la France, entre 1852 à 1870). Nous sommes à un moment où la France s’industrialise à toute vitesse et le moyen de transport moderne de l’époque c’est le train. « Bénéficiant » de ces deux facteurs, Paris grandit très rapidement et pour accompagner la ville dans sa croissance la décision est prise, au début des années 1850, de réaliser cette voie tout autour de la ville. Cette réalisation devait permettre de :

  • relier les gares parisiennes entre elles,
  • approvisionner en vivres et en munitions l’enceinte de Thiers en cas de siège ou de guerre civile.

Construite entre 1852 et 1854 cette voie ferrée connut un rapide succès, favorisa l’installation d’industries nombreuses ainsi que l’émergence de quartiers ouvriers. Succès évident s’y l’on songe qu’à l’époque il n’y avait pas d’autre moyen de transport collectif de masse et que la ville en avait un criant besoin.

C’est pour répondre à cette demande de déplacements, sans cesse croissants, que le métro vit le jour, que les voitures, les camions et les bus de villes se multiplièrent à l’aube du XXe siècle. Les jours de la petite ceinture, concurrencée de tous bords, furent alors comptés et sa fréquentation diminuant, année après année, elle cessa de fonctionner en 1934.

Quel sera le sort de cet « espace libre » au cœur de Paris ? il s’agit là d’un serpent de mer particulièrement tenace, tant les projets et les convoitises que suscite tout centimètre carré non occupé sont âpres.

petite ceinture

  • Les détails relatifs à la petite ceinture sont extraits du l’ouvrage qui suit – Le guide du promeneur 18e, Danielle Chadych, Dominique Leborgne, Parigramme, 1996 réédition 2001.
  • Image de la petite ceinture aujourd’hui glanée sur Paris ZigZag www.pariszigzag.fr

Avant / après – le salon carré du Louvre

Entrée en matière – 

Aujourd’hui il s’agit de l’une des nombreuses pièces du musée, hier il en allait toute autrement : c’était l’endroit où l’on montrait le meilleur de l’art !

Musée tentaculaire le Louvre est souvent ignoré de mes amis proches et lointains. Les uns disent, ah oui ! le Louvre c’est super j’y suis allée quand j’étais au collège les autres ah le Louvre ! mais c’est pour les touristes ce truc, non ?

Au vrai, on pourrait aller toutes les semaines au Louvre, pendant des années, sans jamais sa lasser, car les œuvres qui y sont présentées y sont d’une diversité et d’une beauté incroyables… mais aussi, juste pour se balader en se rappelant tout ce qui s’est passé là. Mais tristesse, tristesse, la politique culturelle en France, de ce point de vue-là, n’est pas celle de l’Angleterre et à chaque fois que l’on descend sous la pyramide de Ieoh Ming Pei il faut mettre la main à la bourse (sauf si vous avez moins de 18 ans)… alors personne n’y va.

Tout cela est bien dommage et j’invite tout le monde à s’y rendre, à s’y rendre en nocturne, car cheminer dans un musée presque vide, la nuit (pendant l’hiver de préférence) est une formidable expérience. Comme vous le constatez le Louvre j’adore, je vais donc vous en parler à plusieurs reprises. Aujourd’hui je voulais commencer par le salon carré du Louvre.

L’avant après du salon carré – 

En premier lieu, le salon carré, c’est une salle dans le Louvre. Elle se trouve dans l’aile Denon, pour la trouver si vous vous procurez un plan papier, ils existent encore, rendez-vous : aile Denon, 1er étage, salle 3, salon carré ! C’est long, le musée labyrinthique mais avec un peu de persévérance on y finit pas y arriver.

Aujourd’hui, il ressemble à ça (mon montage est plutôt malhabile mais cela donne quand même une bonne idée de l’endroit).

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C’est un lieu qui a une très riche histoire et, par exemple, sous le Second Empire (entre 1852 et 1870) il ressemblait plutôt à cela :

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Bref… les collections ne sont pas les mêmes comme chacun s’en rend compte mais plus important, cette pièce dont la coupole est bien la même, si, si, regardez bien… eh bien cet endroit précis était celui où s’exposait au public depuis 1725 les œuvres des académiciens (peinture et sculpture principalement) et on l’appelait le Salon. Dans les années 1780 le « salon » est devenu annuel, l’endroit attirait alors des foules passionnées (jusqu’à 1 000 personnes par jour). C’est un lieu déterminant pour l’émergence d’un espace où la critique actuelle est née (ou presque), le phénomène étant porté et amplifié par les écrivains encyclopédistes comme Diderot. Paris désormais avait son endroit, presque public, où l’on venait voir les dernières créations artistique et, surtout, en parler !

Dès lors, le Salon dépasse le seul lieu d’une exposition annuelle et sera appelé à un bel avenir au cours du XIXe siècle mais il s’agit là d’une toute autre histoire.