Tour jean sans peur : la tour du duc qui avait peur

Il faut de l’imagination, malgré cette superbe tour médiévale pour se figurer l’ensemble que formait l’hôtel de Bourgogne lorsque l’on se rend à la tour de Jean sans Peur – en plein cœur de Paris – rue Etienne Marcel.

Elle est pourtant massive, fort haute et très visible. Il s’agit là du vestige d’un logis bien plus vaste, mais vestige oh combien important ! car il s’agissait d’une tour pour se protéger à une époque où la capitale du royaume était un lieu jamais complètement sûr même pour les grands qui se disputaient le pouvoir.

Avant d’entrer dans quelques détails historiques (en fin d’article pour les plus courageux…) nous allons voir ce qu’est un hôtel au Moyen Age et pourquoi il faut monter sur votre vélo, votre trottinette ou simplement diriger vos pas vers cette belle tour et la visiter sans tarder.

L’Hôtel de Bourgogne, demeure Jean sans Peur – le duc qui avait peur…

Comme vous ne le savez peut-être pas le pouvoir royal en France ne s’est pas constitué en un jour bien au contraire. Il est le fruit d’une histoire très longue depuis Clovis, jusqu’à Louis XIV (pour donner quelques repères connus de tous). C’est une histoire qui à fluctuée, parfois le pouvoir du roi était puissant parfois il a été faible et surtout des dynasties se sont succédées, il y a eu des coups d’Etat (longuement préparés dans l’ombre des monarques) et mille péripéties. Au temps où la tour de l’hôtel de Bourgogne est édifiée, le pouvoir du roi est faible, de grands seigneurs lui contestent son autorité et aimeraient beaucoup prendre sa place.

Mais la présence d’hôtels de ces grands est cependant le témoignage que le pouvoir royal est déjà indissociable de Paris. Ainsi, pour espérer jouer un rôle politique il faut y résider, même temporairement, que l’on soit un puissant ; laïc ou religieux (voir l’article de Un flâneur à Paris sur l’hôtel de Sens). C’est dans ce cadre que des superbes résidences sont édifiées par les plus grands lignages de l’époque : Berry, Orléans, Albret, Montmorency… Sur la carte (visible ci-après) tirée du site Paris Atlas Historique (pour ce rendre sur ce site cliquez ici) on voit leur grand nombre vers 1450 ainsi que leur situation géographique (l’hôtel de Jean sans Peur est en haut).

Jean sans Peur (1er de Bourgogne), puissant prince de la maison de Bourgogne (duché alors florissant) est un cousin de Charles VI roi de France. Lorsqu’il est à Paris il réside dans son vaste hôtel qui nous intéresse aujourd’hui. Il n’est cependant pas dans le conseil de régence mais entend peser sur le cours des affaires du royaume. Une vive tension l’oppose au frère du roi, Louis d’Orléans dont l’influence ne cesse de grandir auprès du monarque. Cette tension devient telle que le duc le fait assassiner à Paris 1407 en pleine rue. Suite à cet événement, et aux tensions qui en découlent, il ne se sent plus en sureté à Paris et pour se protéger il fait édifier (de 1409 à 1411) une tour forte au sommet de laquelle se trouvera sa chambre, il portera aussi régulièrement (dit-on) sous ses vêtements une côte de maille lui couvrant la gorge (ce que l’on verrait apparaitre sur le portrait ci-dessous au niveau de son col en fourrure)… Autant dire qu’il n’était pas tranquille…

L’hôtel de Bourgogne sur les plans anciens de Paris

Le plan Braun et Hogenberg daté de 1530 (lien gallica) nous donne une idée de ce à quoi pouvait ressembler de manière schématique ce bâtiment. Si l’on ajoute à cela la maquette réalisée par la Tour de Jean sans Peur selon des vestiges archéologiques (voir photo infra) on comprend mieux de quoi il s’agit.

Sur le plan « large » ci-dessous on devine l’hôtel de Bourgogne et la tour de Jean sans Peur (partir en bas à droite de l’image où se trouve l’église saint Eustache (orthographiée S Eustaçe sur le plan) puis au niveau de son clocher prendre la rue vers la gauche (c’est la rue Montorgueil) et passé une porte d’enceinte (celle édifiée par Philippe Auguste) l’hôtel est tout de suite sur la droite.

En regardant plus attentivement cet hôtel on devine sur la sélection grossièrement colorée infra, une grande cour, la tour elle-même et, derrière elle, des corps de bâtiment. Ces derniers éléments étant adossés à l’enceinte de Philippe Auguste dont on perçoit la légère courbe courant de bas en haut.

Une belle situation pour l’ensemble que constituait l’hôtel de Bourgogne. Appuyé sur un fort rempart au sud (à droite sur le plan), doté d’un mur cloisonnant sa cour au nord, proche des lieux de pouvoir il devait répondre par sa taille et son aspect aux exigences d’un grand seigneur du XVe siècle. Il protégea sans doute bel et bien son propriétaire mais cela ne l’empêcha pas de mourir assassiné sur le pont de Montereau alors qu’il envisageait de se réconcilier avec les Armagnacs.

Pourquoi aller voir la tour ?

  • Il s’agit d’un rare exemple d’architecture médiévale militaire à Paris,
  • Le superbe escalier en liais (calcaire de luxe) qui 600 ans plus tard est dans un état parfait sans qu’il n’ait connu de restauration,
  • Une voûte sculptée aux motifs végétaux et héraldiques,
  • Une plongée dans le Paris médiéval souvent difficile à imaginer aujourd’hui.

Le contexte historique… (très rapide n’ayez crainte)

Nous sommes à la fin du XIVe siècle et le monarque sur le trône est Charles VI de Valois (1380-1422). Ce roi couronné enfant, est mis sous la tutelle de ses oncles de Bourgogne et de Berry ainsi qu’un représentant du Parlement de Paris. Durant sa minorité ses autres oncles : d’Anjou et de Bourbon jouent également un rôle politique important. En 1388 il prend seul les rênes du pouvoir mais rapidement il est sujet à des accès de folie qui ne lui permettent pas de l’exercer véritablement. La régence reprend alors avec un acteur de plus ; le propre frère du roi Louis d’Orléans. Les tensions pour devenir puissant dans ce conseil de régence se font vives et occasionnent une instabilité durable (qui voit deux partis (les bourguignons et les armagnacs (qui soutiennent le « parti » d’Orléans) s’affronter en une guerre civile qui relança la guerre de cent ans jusqu’à son terme en 1453.

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