La statue d’Henri IV sur le Pont Neuf « est » italienne…

Episode n°1 – 6 ans pour la réaliser – 2 années de voyage pour rallier Paris

Conception

Pour qui se promène sur le Pont Neuf, vient de la place Dauphine, ou prend la direction du square du Vert Galant la rencontre avec la statue équestre d’Henri IV est inévitable.

Jovial, altier et rieur il regarde vers la place Dauphine. Mais depuis combien de temps cette statue est là ? à vrai dire le bon roi Henri et son cheval trônent à la pointe de l’Ile de la Cité depuis belle lurette. C’est le 23 août 1614 que la statue fut « inaugurée », au terme de bien des péripéties, car elle avait déjà une longue histoire à raconter.

Le projet en revient à Marie de Médicis, veuve d’Henri IV. Preuve d’amour pour les uns, bientôt brutalement transformée en un témoignage de fidélité à son défunt mari qui avait, entre-temps, été assassiné, l’idée de la statue demeurait. L’hommage posthume était d’autant plus nécessaire car ledit roi n’en n’avait pas reçu : pas de mausolée dans la basilique royale de Saint-Denis, ni de monument élevé à la gloire de celui qui avait réconcilié les français… L’aventure lancée depuis quelques années, encore fallait-il la concrétiser. C’est à sa famille que Marie avait fait appel, car il était, à l’époque, bien difficile créer une œuvre aussi imposante. Les techniques pour fondre n’étant guère maîtrisées, mener à bien une telle aventure était en France impossible, elle fit donc appel aux compétences avérées des florentins et au sculpteur Jean de Bologne qui résidait alors à Florence.

Une nouvelle statue à Paris

Le cheval et le cavalier sont achevés en 1611 (6 années s’étaient écoulées depuis le début de ce projet), mais le voyage entrepris en 1612 est périlleux. Les caisses les renfermant l’un et l’autre demeurent une année dans des magasins du port de Livourne d’où elles doivent partir pour la France. Puis c’est la traversée et… bientôt, le naufrage du bateau contenant la précieuse cargaison devant Savone. Cheval et cavalier sont repêchés puis la fin du voyage se termine heureusement, sans encombre, via le Havre et la Seine. Nous sommes le 24 juillet 1614, le périple a duré 2 années !

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Henri et sa monture s’installent alors sur la pointe de l’île de la Cité en août 1614 pour presque 2 siècles. Il faut avoir à l’esprit que l’endroit où ils sont posés, n’est pas un endroit anodin. Le Pont Neuf (voir l’article qui lui est consacré) est à l’époque non seulement un axe majeur de circulation, mais il s’agit également d’un lieu de sociabilité, de promenade (comme on peut le voir sur la gravure ci-dessus). On se rend sur le Pont, sous le nez de notre statue, pour se montrer, pour séduire, pour se flâner. L’activité y est intense, frénétique, l’endroit idéal pour la propagande royale d’une dynastie nouvelle (celle des Bourbons dont Henri IV était le premier monarque avait à gagner en légitimité). L’endroit est également visible depuis le Louvre comme le souhaitait le Bon Roi, et son regard pétrifié portait vers la place Dauphine qu’il avait érigé.

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Mais les meilleures choses ne durent pas toujours… et un symbole aussi visible, aussi représentatif de la monarchie ne pouvait échapper à la colère révolutionnaire : le 10 août 1792 la statue est abattue. C’est en effet au cours de la journée marquant la fin de la courte expérience de monarchie constitutionnelle, essentiellement illustrée par la prise sanglante des Tuileries où demeurait Louis XVI, que la statue est mise à bas. Dans le tableau de Léon Cogniet ci-dessous, bien postérieur aux événements, on remarque la place du monarque, vide, symboliquement remplacée par un drapeau tricolore.

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Quelle est donc la statue que l’on contemple de nos jours ? d’où vient-elle ? car si vous regardez attentivement la première gravure de cet article, vous vous rendrez compte qu’elle diverge de l’actuelle (la place du bras droit n’est pas la même, le regard ne porte plus vers la gauche). Nous apprendrons tout ceci, et notamment ce qui avait été caché dans la statue actuelle, au cours d’un prochain article.

Illustrations de cet article

  • Gravure : Pourtrait de la statue équestre eslevée à Paris, sur le Pont Neuf, pour la glorieuse mémoire de Henry le Grand, Roy de France et de Navarre, restaurateur de la liberté françoise, Estampe, Gallica.
  • Tableau XVIIe : Vue depuis Pont-Neuf, détail, Lallemand, musée du Carnavalet.
  • Tableau XIXe : La Garde nationale de Paris part pour l’armée. Septembre 1792, Léon Cogniet, sur www.histoire-image.org.

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