Un éléphant place de la Bastille

Un pachyderme à côté de l’ange de la Bastille

Si nous voyons aujourd’hui la place de la Bastille en plein travaux (au cours du mois de novembre 2019 sont enlevées les poutres métalliques posées sur la ligne du métropolitain en 1890) pour en faire une place minérale à l’égale de la place de la Nation, elle a connu de nombreux projets d’aménagement dont celui d’un éléphant colossal qui aurait fait office de fontaine.

Loin de la place projetée en ce début de XXIe siècle (qui a l’avantage de laisser de la place aux piétons) l’aménagement de l’espace  dégagé par la destruction de la Bastille (dès les années 1790) avait d’abord permis un projet de fontaine monumentale sous la forme d’un éléphant. Déjà imaginé sous Louis XV, pour la place de l’Etoile, un tel monument n’avait jamais été réalisé. Vous pouvez vous faire une idée de ce projet en vous rendant sur l’article dédié à ce dernier en cliquant ici.

L’espace libéré était en effet conséquent et sous le règne de Napoléon les projets d’aménagements de la capitale furent nombreux (comme la rue de Rivoli par exemple, l’édification de la Madeleine ou la façade du Palais Bourbon) dont celui de cette place hautement symbolique. Rapidement le choix du nouveau monarque se porta sur cet animal, image royale et exotique (rappelant à certains égards l’expédition d’Egypte), qui devait accueillir les voyageurs entrant dans Paris par la rue du faubourg Saint-Antoine (rappelons qu’à l’époque on entrait dans Paris uniquement passée la place actuelle).

Entrepris vers 1810, le projet ne fut jamais mené à son terme, cependant, il reste des vestiges de la fontaine projetée. Le socle et le bassin de celui-ci est l’actuel soubassement de la colonne de juillet. Quant à l’éléphant il fut construit à l’échelle 1 (c’est-à-dire à la taille définitive selon le désir des commanditaires) en plâtre et installé près du chantier. Il y demeura de 1814 jusqu’à 1846 (protégé par un hangar en bois).

La statue de l’éléphant devenue illustre sous la plume de Victor Hugo

La statue, préfiguration de ce que devait être la véritable statue, faite de bois et de plâtre, protégée d’un échafaudage de planches s’installa donc sur la place, quelque peu en retrait de l’endroit où elle aurait dû trôner, pour de nombreuses années. Quotidien des parisiens elle échappa à l’oubli grâce à Victor Hugo qui l’évoque comme ceci dans les Misérables :

« Il y a 20 ans on voyait encore sud-est de la place de la Bastille près de la gare du canal creusée dans l’ancien fossé de la prison-citadelle, un monument bizarre, qui s’est effacé déjà de la mémoire des Parisiens et qui méritait d’y laisser quelque trace, car c’était une pensée du « membre de l’Institut, général en chef de l’armée d’Égypte. Nous disons monument quoique ce ne fût qu’une maquette. Mais cette maquette elle-même, ébauche prodigieuse, cadavre grandiose, d’une idée de Napoléon que deux ou trois coups de vent successifs avait emportée et jetée à chaque fois plus loin de nous, était devenue historique, et avait pris je ne sais quoi de définitif qui contrastait avec son aspect provisoire. Construite en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison, jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint en noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme, ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient, la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante est terrible. On ne savait ce que ça voulait dire. C’était une sorte de symbole de la force populaire. C’était sombre, énigmatique et immense. C’était on ne sait quel fantôme puissant, visible et debout à côté du spectre invisible de la Bastille. »

Cette immense maquette fut finalement détruite en 1846 et Paris manqua son second rendez-vous avec un éléphant colossal…

Sources

  • Images issues de l’article Wikipedia évoqué ci-après.
  • Article Wikipedia sur la statue de la Bastille cliquer ici 
  • Victor Hugo, Les misérables, Folio.

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